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Témoignage - Déni de grossesse, instinct maternel & bienveillance


Victoria, c'est une sacrée nana que je connais depuis très très longtemps : l'époque des folles sorties, des nuits très arrosées et des histoires de coeur sans queue ni tête. Et puis un jour, au détour d'un apéro, j'apprends qu'elle est enceinte, à 21 ans. Je me dis qu'elle a beaucoup de chance, mais je me doute aussi que ce petit être ne devait pas être prévu... Nous nous perdons de vue. Je la croise quelques années plus tard alors que son fils a trois ans, et je fonds devant cette bouille d'amour... Et puis, il y a quelques semaines, nous reprenons contact, et Victoria m'explique : sa grossesse, sa maternité, le contexte dans lequel les choses se sont faites et que j'ignorais à l'époque...


Son histoire me touche et me parle, et je pense qu'elle pourrait déculpabiliser bien des mères... Alors, c'est avec énormément d'honnêteté, de courage et d'amour que Victoria nous raconte leur histoire, à Andréa & elle.


Qui es-tu ? De qui est composée ta famille ?

Je suis une maman célibataire de 29 ans, et mon fils Andréa a 7 ans et demi.


Dans quelle situation amoureuse étais-tu quand tu es tombée enceinte ? Comment as-tu appris ta grossesse ? Quelle a été ta réaction ?

Lorsque je suis tombée enceinte, j'étais en couple avec un homme que je connaissais peu mais qui me rendait heureuse car il m'apportait la stabilité que je n'avais jamais eu. Quelques mois après notre rencontre, malgré une prise assidue de la pilule, je me suis rendue à l'hôpital pour des "calculs rénaux". Après de nombreux examens, le médecin m'a annoncé que j'étais enceinte de 4 mois et demi et que je pouvais même connaître le sexe de mon enfant.


Ma réaction premiere a été de demander comment je pouvais mettre un terme à cette grossesse. Or, j'avais dépassé le délai légal de l'IVG en France, sans raison médicale. Les propositions ont été plutôt directes : Espagne ou Belgique.

Je suis repartie, enceinte.


Lors de mon arrivée à la maison, je me suis mise à vomir. 24 heures durant !

J'en ai parlé à mon compagnon de l'époque qui semblait plutôt emballé. J'avais 20 ans, je vivais dans un petit appartement, seule, et menait une vie de grande fêtarde.


Mon premier rendez-vous chez le gynécologue s'est passé merveilleusement bien. Il m'a dit que plusieurs solutions se proposaient à moi et que je n'étais pas obligée d'écouter le coeur de ce bébé. Contre tout attente, j'ai voulu entendre ce petit être, comme si je voulais matérialiser ce qu'il m'arrivait depuis plusieurs jours. Les premiers sons ont provoqué en moi un véritable déclic. Il était là.


Grande fumeuse et amatrice de bon vin, je suis sortie avec des amis et j'ai commandé une limonade, refusé la moindre cigarette. J'ai caché ce secret pendant longtemps. Jusqu'à ce que mon corps décide de m'aider à franchir le cap. Ventre arrondi, nausées quotidiennes, plus de règles et des seins énormes. Je n'ai pas eu la force d'aller où que se soit pour mettre un terme à cette grossesse que je ne voulais pas. J'ai fais face à la fatalité, j'ai arrêté de fumer, de boire. Et j'ai accepté cet enfant qui s'était accroché en moi alors que tout le repoussait.


Comment s’est déroulée ta grossesse ?

J'ai vécu les pires 4 mois de ma vie. A vomir, à grossir, alitée. Mon corps d'ancien mannequin se transformait en corps de mère, et je le vivais très mal. Je n'avais qu'une hâte : qu'il sorte.

Le père de mon fils était absent, distant, ne réalisait pas. Il était jeune lui aussi.


Racontes nous ton accouchement, ce qu’il a éveillé en toi, comment tu as vécu tes premiers instants en tant que mère.

Un 22 mai 2013, à bout de nerfs, épuisée et abîmée par cette grossesse que mon esprit avait du mal à accepter, j'ai demandé à mon gynécologue un "décollement des membranes" (censé déclencher le travail). 1 chance sur 3 pour que cela fonctionne. Je souffre le martyre et je saigne abondamment. Mais je reprends ma vie.


20h, je sens mon corps qui agonise. Nous sommes à 9 jours de la date prévue, je suis jeune et je n'imagine pas qu'il puisse arriver avant. Je tiens jusqu'à 1h du matin, avec des bains et des spasfons. Le père de mon fils travaille et je suis retournée chez mon père pour avoir le soutien dont j'avais besoin.


C'est mon père qui m'amène, seule, à la maternité. Celui la même qui a prévu une chambre de bébé magnifique. Trop dilatée, j'ai trop attendu. Il arrive. Pas de péridurale. Le père de mon fils arrive 1 heure plus tard. Je le hais. Je veux vivre ça seule mais je prends sur moi, il a le droit d'être là.


3 heures seulement plus tard, et sans souffrances si terribles, on me pose ce bébé de 3k250 et 52 cm sur le torse en me disant de profiter du peau à peau. 1 heure terrible, à songer au pire. Ce petit bout de moi accroché à mon sein, qui pleure sans que je sache pourquoi. Et ma culpabilité de ne ressentir envers lui que cela : "Mais qu'est ce que je viens de faire ?"

Je suis abasourdie, il est sur moi, dépendant de moi, de mon odeur, de ma présence. Et je n'ai rien à lui apporter. Je sens les aiguilles entre mes cuisses pour recoudre cette plaie béante qu'il vient de laisser. Mais ce n'est rien face au vide immense qu'il y a dans mon cœur.


"Quel beau bébé ! Un petit garçon tonique !".

Je ne vois qu'une erreur.


Je veux marcher, je veux être libre de disposer de mon corps que je lui ai prêté si longtemps.

Je monte en chambre et il est là. Le pédiatre me félicite pour ce bébé en forme. Et il me dit qu'il l'amène pour les tests auditifs etc ...


Je pensais être tranquille. Me reposer. Réaliser.

4 femmes ont accouché cette nuit là. 4 bébés pleuraient.

J'ai reconnu les pleurs de mon enfant.


Comme si la nature prenait le dessus, mon cœur s'est mit à battre si vite, je me suis levée, le sang coulait entre mes jambes, ma perfusion s'est arrachée.

Où était ce bébé ? Mon bébé ? La seule chose qui a calmé ses pleurs était mon sein. Ma peau, mon lait.


"Tu es responsable pour toujours ce que tu as apprivoisé."


Je me suis senti mère, pour la première fois. J'aurais déplacé des montagnes pour calmer les cris de ce petit enfant. Mon enfant. J'étais sa mère.


Comment s’est passée ta maternité par la suite et jusqu’à maintenant ? Quel genre de maman es-tu et quelle est ta situation aujourd’hui ?

Ma maternité s'est développée avec le temps. J'étais génitrice mais pas maman. Je sentais que je devais être là pour ce petit être sans vraiment me sentir différente. J'avais envie de sortir, de boire un verre de vin, et de manger des sushis.

Mais j'avais décidé par conviction d'allaiter. Plusieurs fois j'ai craqué, j'ai pleuré. Son père n'avait pas prit conscience de ce qu'impliquait un enfant. Il venait quand il pouvait.

J'étais seule face à mon désespoir. Et pourtant je l'aimais ce bébé. Plus que ma propre vie. Et je voulais qu'il soit l'enfant que j'aurais voulu 10 ans plus tard.


J'ai commis tant d'erreurs. Mais j'ai voulu qu'il grandisse dans la positivité, le bonheur. Car avec le temps j'ai compris qu'il n'y était pour rien. Même si je lui en ai voulu de s'être accroché à ce corps que je martyrisais, qui n'était pas prêt. Mais je l'aimais.

Aujourd'hui, j'ai pris la maturité nécessaire pour élever un enfant (même s'il n'y a pas d'âge pour être "mère").


Mon fils a 7 ans, parle le langage des signes, a fait du cododo, a été allaité, fait du théâtre, de l'escalade et de l'équitation. Il est heureux, malgré la séparation de ses parents, fatalement. Il est souriant, en pleine santé, sociable et épanoui. J'ai opté pour une école Montessorri, une éducation positive. Et même si à son âge, je rencontre des difficultés classiques, il est mon cadeau. La raison pour laquelle j'existe. C'est un petit garçon qui comprend que l'amour n'a pas de sexe, ni d'origine, qui sauve les fourmis dans la cours de récréation.


C'est dur parfois. De dire non. Mais j'essaie d'être la mère qu'il mérite. Par ce que je me culpabiliserai à vie d'avoir ressenti ça lors de son arrivée au monde. Aujourd'hui je suis une mère louve. Ultra protectrice, ultra présente, ultra préventive. Je prône la communication, le contrôle des émotions par la respiration. Et je ne lui en veux pas de tout casser dans sa chambre quand il est en colère car je veux qu'il exprime toutes ses émotions dans leur intégralité. On me reproche d'être trop "couveuse". Je ne le laisse à personne, et j'ai du mal à retrouver ma place de femme, j'ai tellement voulu combler ce vide, que je me suis transformée en mère. Et j'ai aujourd'hui la maturité qu'il me manquait quand j'avais 21 ans. Je me culpabilise chaque jour de ne pas avoir été la mère que je suis à l'époque.

Pourtant, il n'a manqué de rien. Mon fils est un enfant roi, aimé, adoré. Le seul de la famille. Et je culpabiliserai à vie.


Des conseils pour les mères qui ne ressentent pas immédiatement l’instinct maternel ? Et pour celles qui vivent une maternité en solo ?

Pour celles qui n'ont pas l'instinct maternel de suite : soit ça viendra, soit ça ne viendra pas. Pas toutes les femmes sont destinées à être des mères. Et personne n'a à juger ça. C'est la raison pour laquelle je défends corps et âmes celles qui n'en veulent pas et qui n'ont pas à se justifier.


Pour celles qui l'auront plus tard : ne culpabilisez pas. Nous ne sommes pas toutes destinées à cela. Et si ca vient plus tard, ne vous en voulez pas. C'est venu après, soit. Vous êtes des mères, 1 jour, 1 mois ou 1 an plus tard. L'amour que vous porterez à votre enfant effacera vos erreurs.


Pour celles qui sont seules : putain comme je vous respecte. Mais cela concerne tous les combats. Avoir un enfant avec une femme, c'est dur, pour ces papiers, pour cette reconnaissance. Mais vous qui êtes seule : je sais comme vous vous ruinez pour les activités, les chaussures, la mutuelle. Tous ces trucs cons. Je sais que c'est dur de ne pas avoir un papa qui calme quand vous avez envie de prendre un bain.


Mais vous êtes plus fortes que vous ne pouvez l'imaginer. Faites des erreurs, pleurez, criez. C'est pas grave. C'est la vie. L'amour n'a aucune norme, aucune perfection. J'ai pleuré devant mon fils. J'ai crié devant mon fils. Et c'est un petit garçon épanoui que j'ai devant moi. Vous avez le droit d'être faibles, d'être dures. L'amour dépasse tout ça.


Un jour mon père m'a dit : "Ma fille, il vaut mieux une personne qui commet deux fois des erreurs mais qui aime mille fois, qu'une personne qui aime un peu et qui n'en commet jamais, car l'amour est toujours plus fort que la rancœur."


Voilà mon mot de la fin. Car ce texte, malgré ses erreurs, malgré le fait que peut-être je n'ai pas réussi à faire passer ce que j'ai vécu, je l'ai écris avec 4 verres de vin dans le nez, pendant que mon fils dormait dans son lit, après une histoire et un câlin qui vaut tout l'or du monde.

 

Mille mercis Victoria de m'avoir accordé ta confiance en mettant entre mes mains ton histoire... et merci au vin d'exister pour se donner du courage ! :)


J'espère que cette histoire de vie et de maternité vous montrera encore une fois que même si les débuts en tant que Maman ne sont pas toujours tout roses, on peut largement devenir une wondermum, et même opter pour une parentalité bienveillante et positive... Tout est possible, tant qu'il y a de l'amour...


A très vite !

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