L'allaitement induit est le fait de provoquer une montée de lait chez une femme n'ayant pas connu de grossesse. Et oui - c'est possible et vraiment magique !
Photo de Chloé Bruhat
C'est une possibilité qui peut être parfaite pour une couple de femmes, pour une femme qui adopterait un bébé ou pour une femme ayant conçu son bébé par GPA par exemple.
Plusieurs protocoles existent, notamment le plus connu, celui de Newman, dont Chloé parle dans son témoignage ci-dessous. J'aimerais d'ailleurs attirer votre attention sur ce point : ce protocole est composé d'un traitement médicamenteux qui n'est pas sans conséquence sur la santé, il doit être prescrit par un médecin qui connait ce sujet et qui sera capable de vous accompagner dans ce processus.
Pour faire de ce projet une réussite, un accessoire est indispensable : un bon tire lait électrique ! Il en existe maintetant d'incroyables, sans fils, qui ne se voient pas et ne font presque pas de bruit (idéal pour tirer au travail !) notamment celui de chez Elvie qui est, pour moi, le meilleur sur le marché. Il existe en simple ou en double.
Si vous voulez également avoir le maximum de confort et de discrétion durant le protocole et ensuite pour allaiter votre bébé, je ne peux que vous recommander de shopper des pièces chez TajineBanane - tshirts, sweats, robes, débardeurs pour allaiter sans dire adieu à son style et sans avoir le ventre à l'air.
Je vous laisse maintenant avec l'histoire d'allaitement induit de Chloé, Julie & Paloma.
Toutes les photos sont de Chloé - Chloé Bruhat - qui est photographe.
JOURNAL D'UN ALLAITEMENT INDUIT - Le témoignage de Chloé & Julie
CHAPITRE 1 - La genèse
" Il y a un an, nous débutions notre parcours PMA. Et si l'envie d'un enfant a toujours été évidente pour moi, Chloé, ça ne l'a pas toujours été pour Julie, tout comme l'envie d'allaiter. Ce parcours pour nous, comme pour beaucoup de femmes, a été des mois de recherches et d'écoutes, de tâtonnements, de retours en arrière et de chamboulements afin de trouver le chemin qui nous serait approprié.
Sur notre trajet nous avons écouté beaucoup de podcasts - notamment ceux de @bliss.stories qui donnent un formidable panorama d'histoires liées à la maternité - et parmi les voix entendues, nous y avons trouvé des mamans qui avaient décidé de co-allaiter.
Comme Julie n'avait pas forcément envie de donner le sein, ça semblait être une bonne manière pour moi de prendre le relais dans notre maternité. Durant notre parcours j'ai souvent eté confrontée à cette notion de "mère sociale", je suis "celle qui ne porte pas" et même si notre entourage est bienveillant, les fautes de langage sont légion, comme si parce que je ne porte pas notre enfant j'étais "moins mère" durant la grossesse. Et même si je ne me sens pas moins légitime, je pense que l'idée de pouvoir allaiter mon enfant à la naissance m'aide aussi à revaloriser cette place qu'est la mienne, c'est une manière personnelle de pouvoir me sentir engagée également dans la grossesse et dès la naissance de notre enfant.
Puis chemin faisant, (et comme le corps fait lui aussi bien les choses) finalement c'est le dessin d'un nourrissement à deux qui nous est apparu.
Depuis le mois de mars je suis le protocole de Newman - largement vulgarisé par la @lalecheleaguefrance, mais également soutenue par mon gynécologue - afin de réaliser ce que l'on appelle "une lactation induite" (ou lactation provoquée). Il s'agit donc de déclencher une lactation chez une femme n'ayant jamais été enceinte. "
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CHAPITRE 2 - Le protocole
" Je ne saurais me substituer à un avis médical pour la suite de nos aventures lactées, car aujourd'hui je vous parle du traitement que je poursuis depuis le 4ème mois de grossesse afin d'induire ma lactation.
Bien sûr, j'aurai préféré ne pas suivre de protocole hormonal et faire confiance à mon corps, car oui, certaines lactations se font naturellement au contact du bébé. Ça semble relever de la magie et j'aurai adoré être victime de cet enchantement, mais je sais aussi à quel point ce dernier peut être paresseux parfois, j'ai donc préféré la prévoyance.
Je n'avais jamais pris de pilule, car à quoi bon ?
Je suis en couple avec une femme depuis 10 ans et n'ai jamais eu de problèmes hormonaux qui auraient pu nécessiter une prise.
Je ne suis pas non plus la personne la plus rigoureuse quand il s'agit de me soigner, alors j'étais plus anxieuse à l'idée d'avoir à être régulière plutôt qu'à penser aux effets du traitement, bien que...
De manière assez simple, le protocole de Newman consiste tout d'abord en une prise de pilule contraceptive en continu afin de duper un cerveau plutôt bien constitué en lui faisant croire à une grossesse, en interrompant le cycle normal des règles. À cela s'ajoute la prise de Domperidone ®.
Ce médicament est à la base prescrit dans le cadre de traitements de nausées ou vomissements et dont les effets secondaires peuvent provoquer une augmentation du niveau de prolactine, une hormone principalement impliquée dans la production de lait maternel.
La prise de Domperidone® n'est évidemment pas à prendre à la légère et doit se faire en étant accompagné.e, car des effets secondaires peuvent être notés, notamment l'augmentation des risques d'accidents cardiovasculaires.
De mon côté, ce qui alerte surtout notre gynécologue, comme la sage femme qui nous suit, ce sont les potentiels effets dépressifs, nous y sommes donc très attentifs. Rien n'est à signaler pour le moment, peut-être aussi parce que je poursuis un protocole adapté par notre gynécologue qui n'en est pas à son coup d'essai quant au suivi pour ce genre de traitement.
Le protocole officiel prévoit une augmentation rapide de la Domperidone® sur les premières semaines de traitement jusqu'à atteindre rapidement les 90mg par jour et les maintenir jusqu'à l'arrivée du bébé.
De mon côté, l'augmentation est plus lente 10mg de plus par mois et une accélération durant les dernières semaines de la grossesse.
Visiblement cela a déjà fonctionné par le passé avec d'autres patientes et cela semble fonctionner également chez moi.
6 semaines avant notre terme, avant même la prise totale de Domperidone® après quelques minutes de pompage, j'ai déjà du lait..."
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CHAPITRE 3 - La lactation
" Chaque matin désormais, je me lève pour tirer mon lait et je tache de le faire toute la journée, toutes les 3h, comme je pourrai le faire avec notre enfant dans quelques jours.
C'est aussi une préconisation du protocole de Newman que de continuer la prise de Domperidone® (90mg par jour désormais), d'arrêter la pilule contraceptive et de commencer les tirages.
On m'a dit que parfois le lait n'arrivait pas avant la naissance du bébé et que le peau à peau permettrait peut-être une montée. Pour ma part, dès les premiers tirages jai vu apparaître quelques gouttes. Les premiers jours plutôt discrètes, mais plus significatives dès la fin de la première semaine.
Je ne peux pas dire que tirer mon lait soit une sensation agréable physiquement, mais j'ai remarqué que ma poitrine s'adaptait, grossissait, se transformait afin de devenir aussi celle d'une mère. J'ai remarqué également que je devais me mettre dans de bonnes conditions pour que les tirages fonctionnent car tout influe sur ma production.
Les premières semaines j'écoutais beaucoup de musique - car je sais que c'est quelque chose qui me fait du bien de manière générale - afin d'être concentrée, de penser à des choses agréables et ainsi accueillir un maximum de bonnes ondes pour développer la fameuse ocytocine.
Si je suis triste, en colère ou simplement de mauvaise humeur, les tirages sont significativement plus faibles. Quand les gouttes sont moins présentes, c'est souvent également que je suis fatiguée, que je n'ai pas bien mangé ou pas assez bu.
Je ne cache pas qu'un faible tirage me semble encore assez culpabilisant quand on sait l'effort que c'est pour moi que d'être régulière.
La lactation induite que je poursuis est liée à un traitement, mais désormais, les facteurs externes sont devenus aussi importants que le protocole lui-même.
Lorsque je tire mon lait, je ressens souvent un genre de mélancolie latente, puiser ce lait c'est aussi pour moi puiser de l'énergie. Pour cette raison, j'essaie souvent de me mettre en pause et de m'isoler pour être tranquille. Un moment d'égoïsme pour pouvoir être effective. C'est un moment de « préparation » que je m'octroie car j'ai à cœur de pouvoir nourrir notre enfant au mieux, dans la mesure de mon possible, dès sa naissance.
Ce lait est une sorte de projection, de ce que sera la présence de cet enfant. Une présence aussi étrange que magique.
Aujourd'hui et depuis deja une quinzaine de jours je récolte une centaine de millilitres chaque jour, je ne sais pas si cela est beaucoup ou peu, mais ce qui m'importe c'est que cela fonctionne déjà pour moi car je sais que ça n'est pas toujours le cas. Encore une fois, chaque corps est différent et réagit à sa façon.
Je ne conserve pas encore ce lait, je commencerai probablement dans quelques jours, mais comme nous nous dirigeons vers un co-allaitement, ça ne me semblait pas utile de faire des réserves alors que nous serons a priori deux, chaque jour, à tirer notre lait..."
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CHAPITRE 4 - Le co-allaitement (partie 1)
" Nous sommes le 4 octobre et pour la première fois, je dois m'occuper de ma fille toute seule pendant quelques heures. Quelques heures ce n'est pas beaucoup, mais c'est suffisant pour être un peu effrayant quand on co-allaite, car malgré tous mes efforts, je ne suis pas tout à fait autosuffisante en lait.
Après un peu plus d'un mois et demi avec notre bébé, je peux désormais écrire que la lactation induite est réellement un travail d'adaptation.
Paloma est née le 12 août dernier et son arrivée n'a pas été de tout repos. Après nous être préparées à un accouchement physio en salle nature, c'est finalement en césarienne « code rouge » qu'est arrivé notre bébé.
Un fracas pour Julie qui doit désormais se remettre d'une opération à laquelle on n'est jamais vraiment préparée, surtout lorsqu'elle n'est pas programmée, mais aussi un bouleversement pour nous deux qui espérions pouvoir accueillir notre enfant ensemble.
Dans ce tumulte, la lactation induite a été salvatrice pour nous trois.
Après cette césarienne en urgence, j'ai pu recevoir Paloma en peau à peau durant de nombreuses minutes alors que Julie recevait ses soins. Après cette extraction en urgence notre fille était déboussolée et je voyais qu'elle avait très faim et besoin de se « raccrocher » pour « s'ancrer ». Paloma n'était plus dans son élément, au sein de sa maman et je sentais que c'était d'un nouveau « sein » dont elle avait besoin.
J'ai attendu que Julie revienne en salle de réveil pour pouvoir discuter avec elle de la possibilité de la nourrir, car nous avions prévu que ce soit elle qui lui donne la tétée d'accueil, pour que Paloma puisse recevoir le colostrum, mais aussi pour pouvoir commencer à stimuler la montée de lait de Julie.
Perdue par la violence de cet accouchement, elle a préféré me laisser faire cette première tétée pour qu'elle puisse prendre un peu de temps car elle ne s'en sentait pas capable physiquement et mentalement.
Cette tétée a été déterminante car elle a été un moyen d'apaiser Paloma dans un moment où elle en avait besoin pour atterrir dans ce monde, mais aussi une source d'apaisement pour Julie qui était épuisée. Ce fut aussi un moment hors du temps pour moi, qui m'a permis de me connecter à notre fille que j'attendais de nourrir de ma chair depuis de nombreux mois.
Nous avons décidé de globalement alterner les tétées : quand l'une nourrit Paloma, l'autre tire son lait. Nous avons tout de même privilégié Julie à la maternité pour qu'elle ait sa montée de lait.
Un processus salvateur qui nous a permis de pouvoir nous reposer la nuit de manière convenable des sa naissance (c'est toujours le cas aujourd'hui).
La montée de lait de Julie a été très douloureuse, elle a dû faire face à des crevasses au niveau d'un sein car Paloma avait un défaut de succion d'un côté.
Le fait de pouvoir se relayer avec moi pour l'allaitement lui a permis de laisser ce sein au repos et nous utilisions mon lait pour réaliser des cataplasmes pour la soigner.
À ce moment-là, j'avais assez de lait pour satisfaire les premiers besoins de Paloma.
De retour à la maison, j'ai vite déchanté car ma production a chuté drastiquement. Je n'avais quasiment plus rien lors de mes tirages. C'était assez frustrant, je me disais « à quoi bon avoir suivi tout un protocole depuis des semaines pour finalement ne rien avoir en arrivant chez nous ?».
Après en avoir parlé avec Aurélia (Conseillère en lactation @aurechamae_pro) puis notre gynécologue, jai fini par reprendre la Domperidone®, que j'avais arrêtée le jour de la naissance sous les conseils de ce dernier.
J'ai donc recommencé un traitement, de 30mg à 90mg en augmentant tous les 3-4 jours, tout en continuant les tirages et en allaitant Paloma.
De son côté, notre fille a toujours accepté de boire à mon sein, sauf quand elle avait vraiment très faim ou soif. On s'est très vite rendues compte qu'elle savait vers qui se tourner en cas de gros besoins.
Julie a une très forte production de lait. C'est pratique sur le plan des quantités, mais pas simple à gérer non plus quant il s'agit d'éviter les engorgements ou de ne pas noyer Paloma sous un flot de lait. Il a donc fallu s'ajuster aussi à ces différences de débit dans notre répartition.
Le co-allaitement est un vrai parcours d'écoute de son propre corps et des besoins de son enfant, nous nous adaptons donc constamment. "
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CHAPITRE 5 - Le co-allaitement (partie 2)
" J'ai repris le travail alors que Paloma n'avait qu'un mois. J'effectue régulièrement des déplacements qui me font m'absenter plusieurs jours, il a donc fallu là aussi anticiper pour que ma lactation ne soit pas en berne sans notre bébé.
Quelques jours avant de partir, c'est donc moi qui ai quasi exclusivement nourrit Paloma, sauf quand elle avait besoin de plus.
J'ai énormément utilisé mon tire-lait. L'idée étant de me stimuler au maximum avant de partir, pour qu'ensuite je puisse continuer seule au tire-lait lors de mon absence.
Moi qui avais très peur d'une nouvelle baisse significative en n'étant pas au contact de Paloma, j'ai finalement eu une production assez importante et l'histoire s'est renouvelée lors de mes déplacements suivant.
J'ai toujours de faibles productions au tire-lait à la maison, mais nous nous sommes rendues compte que j'avais une capacité maximale de production de lait par jour, dont ma fille se délecte entièrement. Si je n'ai rien dans le réceptacle du tire-lait, c'est que Paloma boit tout ce que je peux lui offrir quand je suis avec elle. Je ne produis pas « à la demande », comme c'est généralement le cas pour une mère qui a porté son enfant, mais c'est apparemment très souvent ce qui arrive lors d'une lactation induite pour une femme qui n'a pas eu de grossesse précédemment.
Aujourd'hui, je continue la Domperidone® j'en suis encore à 90mg par jour, mais je ne souhaite pas continuer ce dosage pendant encore de nombreux mois.
De plus, la logistique lors de mes déplacements est tout de même un peu contraignante.
Pour l'instant je n'ai pas envie d'arrêter, je souhaite garder ce lien avec ma fille et nous ne voulons pas encore introduire de tétines.
Je diminuerai probablement petit à petit le dosage, en continuant la stimulation au tire-lait et grâce à Paloma, jusqu'à ce que le débit s'épuise. Je ferai peut-être toujours des tétées de réconfort, mais ce sont les prochains mois qui nous le diront..."
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Merci à Chloé & Julie pour ce récit sans filtre, tellement précieux, qui donneront probablement envie à beaucoup de se lancer dans cette aventure !
Un chapitre consacré à l'allaitement induit vous attend dans mon livre MÈRE.S - LE GUIDE DE LA MATERNITÉ LESBIENNE - disponible ici.
Si vous avez des questions, n'hésitez pas à me contacter ici ou sur Instagram !
A très vite :)
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