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La séparation dans un couple de Mamans

Dernière mise à jour : 24 mai 2023

Note : cet article a été rédigé avant la parution de la loi de bioéthique de l'été 2021. Aujourd'hui le contexte est un peu plus propice à la protection de nos familles, même si des efforts restent à faire.


Aujourd’hui, j’aborde un thème moins léger et réjouissant que d’ordinaire : le cas de la séparation dans un couple de mamans.


Le sujet est important, sensible, difficile, mais nécessaire, dans un contexte où la loi de bioéthique qui devait entre autres choses protéger un peu nos familles au niveau légal, a été reportée à on-ne-sait-quand. On a tendance à beaucoup parler de comment fonder sa famille, mais il est très rare de lire un article sur comment bien gérer sa séparation, qui plus est dans un couple de femmes, qui ont un ou des enfants.

Vous l’aurez compris, ce n’est pas chose aisée pour moi que d’écrire à propos de ces situations de vie si tristes et parfois désespérées, mais cela a été encore plus difficile pour les femmes qui ont accepté de témoigner pour cet article. Elles ont ouvert leurs cœurs, nous ont livré un peu de leurs vies et de leurs histoires, pour vous aider peut-être vous, peut-être l’une de vos amies, à trouver des ressources si cette situation se produit. J’espère aussi que ces tranches de vie permettront au « grand public » de comprendre l’importance de notre lutte pour obtenir des lois protégeant nos familles.

J’aimerais ajouter qu’ici, on ne fait le procès de personne et on ne juge pas. On explique, on constate, et on tire des enseignements de ces histoires différentes. Il y a des récits de mère « biologiques » et de mères « sociales », et en aucun cas nous n’estimons qu’une position est plus facile qu’une autre.

Rappel de la loi actuelle (la loi qui était en vigueur jusqu'en Août 2021) :

Pour mieux comprendre ces récits, je tiens à rappeler qu'à cette époque, en France, seule la mère qui accouchait était mère de l’enfant aux yeux de la loi. L’autre mère, dite mère « sociale », n’avait aucun droit, et devait les acquérir en procédant à l’adoption plénière de son enfant, processus long, parfois coûteux et surtout très injuste et qui ne pouvait être fait avant les 6 mois du bébé.

Je vous laisse maintenant avec les témoignages :

Le témoignage de C. mère sociale d’un petit garçon

Je me prénomme C., j’ai 26 ans, et suis maman sociale d’un petit garçon, qui a 15 mois. Celui-ci a été porté par mon ex-épouse. Nous avons été mariées 15 mois. A ce jour, nous sommes divorcées depuis sept mois, et j’ai retrouvé l’amour.


Bien que nous étions mariées, mon ex épouse a toujours été dubitative (puis totalement contre) sur l’adoption que je souhaitais faire auprès de mon fils, prétextant que ce n’était juste qu’un papier, que nous verrions avec le temps etc. Elle ne m’a donc jamais laissé faire ces démarches. Et le fait qu’elle me quitte, sans raison, à l’âge des six mois (âge légal pour l’adoption) de notre fils est, je pense, loin d’être anodin.

La séparation a été brutale car je n’ai eu droit à aucune explication. Elle m’a d’abord dit dans un premier temps que j’aurai des nouvelles de H. une fois mon déménagement effectué ; une fois celui-ci fait, je n’ai jamais plus eu de nouvelles de mon fils. Cela va donc faire dix mois, que je n’ai pas la moindre nouvelle de mon fils par son intermédiaire. J’en ai eu à trois reprises grâce à un membre de mon ex-belle famille, notamment pour apprendre qu’ils allaient sans doute déménager à 500 kilomètres d’ici...


Brutale également car j’avais un lien très fort avec lui, assez fusionnel. C’est en grande partie moi qui me suis occupée de lui durant les premiers mois de sa vie. Comment peut-on penser si peu au bien-être de son enfant en le privant de sa deuxième maman ?

Dès le départ, j’ai souhaité une résidence alternée, chose que nous avons demandé avec mon avocate. Mon ex-épouse, elle, souhaite simplement que je disparaisse de la vie de mon fils ; faire comme si je n’avais jamais existé.

À la suite de la séparation, je me suis immédiatement tournée vers l’association « Parents sans droit » où j’ai trouvé beaucoup de conseils et de soutien, dont nous avons tant besoin durant ces instants si difficiles à vivre. C’est grâce à cette association que j’ai trouvé mon avocate, spécialisée entre autre dans les droits homoparentaux.

Aujourd’hui, nous sommes en pleine procédure, où le mensonge et la méchanceté sont les mots-clés de la partie adverse, dans le seul but de me décrédibiliser et que je n’ai aucun droit sur mon fils que j’ai pourtant, au même titre que mon ex-femme, désiré, attendu avec impatience, aimé, protégé. Alors que c’est pourtant moi-même qui gardait notre fils grâce à mon congé parental, mon ex-femme essaye de prouver que je n’ai eu aucun investissement auprès de lui.


Il est quand même aberrant de devoir se justifier de telles choses alors que dans un couple hétérosexuel, le père est immédiatement reconnu comme second parent. Pourquoi, nous, mères sociales devons-nous mener un tel combat pour prouver le lien que nous avons avec notre enfant ?

Ce que je pourrai conseiller, c’est de garder espoir. Même si nous avons toutes les raisons d’abandonner à certains moments, il faut garder en tête l’objectif, la finalité de cette bataille : retrouver son enfant. Également, de s’entourer au maximum car ce sont des procédures très longues (deux ans au meilleur des cas) ; le soutien est donc primordial. Et surtout, d’être forte mentalement. Devoir se justifier, devoir se mettre à nu, se sentir juger, recevoir les pires critiques, n’est pas chose aisée à encaisser.


Le témoignage de O. mère biologique d’un petit garçon

J’ai un petit garçon de 6 mois. J’ai rencontré sa deuxième maman il y a 5 ans. Il nous aura fallu 1 an et demi, 5 inséminations, 3 essais avec un copain et une FIV (Fécondation-In-Vitro) pour avoir une merveille...


Quand je suis tombée enceinte, elle s’est mise à sortir. Tout le temps. Au début, je n’ai rien dit, mais au bout de 2/3 mois, je n’en pouvais plus. Ma grossesse était épuisante (insomnies et nausées jusqu’au dernier jour : j’ai perdu 12kg par rapport à avant ma grossesse), je devais tout gérer à l’appart' alors nous avons commencé à nous disputer énormément... Le pire aura été l’été de ma grossesse. En 1 mois et demi, nous nous sommes vues 9 jours... J’ai découvert à 6 mois de grossesse qu’elle avait quelqu’un d’autre. J’ai essayé de faire avec en espérant que ça s’arrangerait.


Nous avons fini par nous séparer quand mon fils avait 15 jours, après un accouchement traumatisant et 15 jours où de toute façon elle n’était quasi jamais là... Nous avons essayé de cohabiter pour mon fils mais savoir qu’elle était en couple avec une autre, c’était invivable pour moi. Je lui ai demandé de partir un ou deux mois avant le confinement parce que je pleurais tout le temps et que j’avais l’impression de quand même tout devoir gérer... Depuis, c’est un enfer. Nous nous engueulons pour tout et tout le temps. Elle a vu son fils 6x1h pendant les deux mois du confinement. Au retour, impossible de la laisser seule avec lui qui pleurait tout le temps. Quand elle est partie avec lui seule 2h elle est rentrée en me disant « prends le relais pour le bain, il faut que je souffle » ... Je bataille depuis 6 mois pour qu’elle ne le laisse pas seul sur la table à langer, qu'elle ne le prenne pas à cheval avec elle en porte-bébé, qu'elle ne le laisse pas seul dans sa poussette pendant qu'elle donne un cours de poney ...

Nous ne sommes pas mariées. Je suis la seule à avoir légalement des droits sur mon fils. J’ai une pression énorme dans mon entourage pour la sortir de ma vie. Et de celle de mon bébé. Parce qu’elle ne s’est pas comportée comme une maman et qu’elle ne lui apporte rien de bon. On me dit que j’ai la chance de pouvoir choisir. Mais je ne veux pas avoir à faire ce choix. Je trouve que c’est la pire chose imaginable... Soit je la sors de nos vies et je prends une décision moralement condamnable, soit je la laisse être mère à part entière en prenant le risque de bousiller mon fils parce qu’elle n’est plus fiable et qu’elle le met en danger... Je le vis très mal.

Avec les conseils de mon psy et d’une avocate j’ai décidé que nous ferions une médiation qui découlerait sur un document juridique contenant ce que nous aurons décidé pour protéger tout le monde. Mais je refuse de lui laisser l’autorité parentale. Parce que mon rôle, à moi, aujourd’hui, c’est de protéger mon fils.


Je dois aussi arriver à faire la part des choses entre ma colère et le bien-être de mon fils, et c’est difficile.

Honnêtement, j’aimerais ne pas avoir ce choix à faire. Si elle l’avait adopté, ça passerait par des avocats et elle ne pourrait pas s’en prendre directement à moi, malheureusement ce n’est pas le cas. Je vais devoir travailler sur moi, effacer cette colère pour mon fils, pour que la garde partagée fonctionne mais là, c’est encore trop tôt pour que je m’apaise.

Le fait qu’elle ne soit pas légalement sa mère nous met dans une situation catastrophique.


Témoignage de J. mère sociale d’une petite fille

J’ai 34 ans, aujourd’hui je suis séparée de la maman biologique de notre petite merveille. J’ai commis l’erreur de me séparer d’elle avant d’avoir obtenu l’adoption. Nous nous sommes mariées en février 2019, C. est née en avril 2019, j’ai quitté ma femme en octobre 2019.


Nous étions mariées, pour que je puisse adopter notre fille. La procédure d’adoption n’a été entamée qu’aux 6 mois de C. donc seulement en Octobre. Autant vous dire que je n’ai donc pas encore de réponse et que ma future ex-femme n’est pas des plus coopérative. Elle menace aujourd’hui régulièrement de contacter le juge pour lui dire que nous ne vivons plus ensemble.


Dans les propos de mon ex, je suis partie, donc je suis coupable, j’ai abandonné femme et enfant. Hors, je ne vois pas les choses ainsi. Je n’ai jamais abandonné ma fille. Par contre, en déménageant de la province vers Paris, je considère qu’elle a pris mon enfant. Elle m’en a privé 3 mois, aucune nouvelle, aucune réponse à aucun mail. Je me demandais tous les jours s’il fallait que j’aille les voir, puisque je savais où elles vivaient. Mais j’avais peur qu’elle dépose une plainte/main courante, qui pourrait par la suite me porter préjudice dans l’adoption de notre fille. Depuis, elle instrumentalise C. Nous nous disputons régulièrement par message, et lorsqu’elle est vexée ou en colère, me prive de notre fille.

Le rythme auquel je vois mon enfant est variable et changeant, en fonction de ses humeurs.

Les tensions entre nous sont quotidiennes, il est rare qu’une journée se passe cordialement et sereinement. C. le ressent c’est normal, elle est si petite. Mon ex fait souvent l’amalgame entre elle et C. J’essaye de prendre du recul et de dire qu’il faut que nous soyons ensemble pour elle, pour l’éduquer ensemble, pour qu’elle ne ressente pas que ça ne se passe pas bien entre ses mamans. J’appelle à l’apaisement. Pour l’instant, mon ex n’en est pas capable.


C’est très difficile, je ne le cache pas. Privée de C. pendant 3 mois, je l’ai quittée c’était un bébé, je l’ai retrouvée c’était une petite personne qui avait des interactions avec les autres. La voir se demander qui je suis, puis comprendre. La voir grandir à nouveau, pouvoir la prendre chez moi, la garder un week-end, aller la chercher à la crèche. Ce sont des petits plaisirs dont j’ai été privée, et aujourd’hui j’en savoure chaque seconde. Mais ce bonheur est très fragile, et surtout très fluctuant. Donc j’ai contacté un avocat, pour voir quels étaient mes droits, pour échanger sur les possibilités à envisager. Dans l’attente de la réponse du tribunal concernant l’adoption, je voudrais à minima pouvoir assainir les choses avec la maman de C. donc je prends des conseils.


Aujourd’hui, j’en suis à en prendre plein la tronche par message. Baisser la tête et accepter sa colère, sa rancœur, sa haine, me plier à ses exigences, être « souple » en dépannant au dernier moment, ravaler ma fierté et finalement être dépendante de ses bonnes volontés pour pouvoir voir C.


Courage. Ne vous laissez pas abattre, il y a des jours où c’est difficile, mais le sourire de vos bébés n’a pas de prix. N’acceptez pas tout, et contactez rapidement un avocat. Ce sont eux les meilleurs conseils.


 

Le témoignage de Lou, enfant de deux mamans

(vous pouvez lire son histoire ici)


Fort heureusement, il y a aussi énormément de dénouements heureux... et qui donnent beaucoup d'espoir ! Dans l'interview que j'avais faite de Lou il y a quelques temps, à propos de son ressenti d'enfant issue d'un couple lesbien, j'apprenais que ses mamans s'étaient séparées lorsqu'elle était petite. Mais tout s'est très bien passé entre elles et les choses se sont faites en bonne intelligence, la preuve en est : presque trente ans après leur séparation, les mamans de Lou, bien que toujours séparées, se sont mariées, pour que la mère non-biologique de Lou puisse les adopter, elle et son frère ! Comme quoi, les situations ne sont pas toujours désespérées... !

 

Vous l’avez compris, peu importe de quel côté on se trouve lors d’une séparation, il y a beaucoup de dégâts, et les mères ont à peine le temps de faire le deuil de leur relation, qu’elles doivent se focaliser sur l’avenir de leur bébé et leur propre avenir en tant que mère, je trouve que c’est très difficile et complètement injuste.

Le report de la loi de bioéthique ne fait qu’accentuer le problème et va probablement mettre bien d’autres couples dans cette situation.

Selon moi, plusieurs enseignements sont à tirer de ces récits :


- Entamer les démarches d’adoption au plus tôt et déposer le dossier complet auprès du tribunal dès les 6 mois du bébé (délai minimum légal), cela permettra à la mère biologique de ne pas avoir la lourde tâche de prendre des décisions par elle-même, et protégera la mère sociale.

- Faire appel à un tiers pour entamer une médiation, quand le dialogue est bloqué entre mères, permet d’assainir la situation et de prendre des décisions calmes et réfléchies.

- Se faire aider d’un avocat, peu importe sa situation, pour faire les choses en règle et se faire conseiller, pour en trouver un spécialisé en droits LGBT+, vous pouvez vous tourner vers l'Association française des avocats LGBT+.

- Chercher également conseil auprès de personnes dans la même situation ou auprès d’associations dédiées telles que Parents sans droits.

A vous qui traversez une tempête, gardez le cap, et surtout entourez-vous...

A vous qui faites partie du "grand public", aidez-nous à faire bouger les choses pour que la loi passe au plus vite et que plus jamais notre parentalité ne soit mise en danger.


A très vite



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