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Lesbienne n’est pas un gros mot.

Dernière mise à jour : 24 mai 2023



En ce 26 Avril, Journée de la visibilité lesbienne, j’ai eu envie de m’exprimer, et de vous donner aussi la parole. Il y a longtemps que je me questionne sur les mots employés au sein de la communauté des femmes qui aiment les femmes (j’ai pas encore dit le GROS mot, je vous préserve un peu !)... et j’ai enfin décidé de vous en parler. Pour moi les mots ont un pouvoir, alors bienvenue dans ma réflexion sur ce sujet.


Disclaimer - je parle ici des meufs qui se définissent comme étant lesbienne - donc forcément si vous ne vous définissez pas comme telle, c’est normal que vous n’employez pas ces mots 😉


Disclaimer bis : pas de jugement ici, chacune fait comme elle peut, avec son histoire et avec ce qu’elle est à l’instant T, ceci n’est qu’une piste pour ouvrir la réflexion et vous partager un petit bout de mon expérience.


Amie, vraiment ?

J’ai d’abord commencé par vous questionner sur le terme “amie”. Souvent, lorsque vous m’écrivez, vous me dites “avec mon amie nous aimerions ....”. Ici le mot amie désigne votre compagne, femme, amoureuse, conjointe, meuf, copine...

Cela sonne toujours de manière étrange à mon oreille : on ne fait pas sa vie avec une amie, on est pas mariée à une amie, on ne couche pas avec une amie (enfin ça peut arriver mais bon... vous m’avez comprise !).

Je me suis donc dit que si, même dans vos messages pour moi, ouvertement lesbienne, vous utilisiez ce terme, c’est qu’il devait être très ancré dans vos vies. J’ai voulu comprendre pourquoi, et voici ce qu’il en ressort ...


A la question, pourquoi utilisez-vous le terme -amie pour parler de votre compagne ?

Pour 11% d’entre vous - “J’aime ce terme et il me convient”

Pour 76% d’entre vous - “Il sème un flou qui me rassure”

Pour 13% d’entre vous - Pour une autre raison (souvent cette autre raison c’est que vous trouvez que “copine” fait trop collégienne, “compagne” ou “conjointe” font trop vieilles, et que “ma femme” ne colle pas à toutes les situations parce que pas forcément mariées.)


Par protection

Vous m’avez confié utiliser ce terme pour vous protéger lorsque vous ne savez pas qui est votre interlocuteur.trice ou si la situation dans laquelle vous vous trouvez est safe ou non. A cela j’aimerais vous dire qu’il sera toujours ok de faire primer votre sécurité et votre feeling plutôt que vos revendications. Cependant, dans une situation où vous ne courrez aucun danger, rappelez vous que vous avez le droit d’être qui vous êtes et de l’assumer pleinement. Si cela pose souci à quelqu’un autour de vous : le problème est en cette personne mais pas en vous, cela lui appartient et n’est pas de votre ressort !


Par besoin ou envie de flou

Dans “amie” à l’oral, on ne peut pas entendre le “e”, ce qui vous permet de jouer sur les mots et de parler de votre vie sans vous outer. Je comprends que l’on ne veuille pas toujours parler de sa vie personnelle, j’ai aussi vécu cela notamment dans le monde de l’entreprise :


Je travaillais pour une prestigieuse agence d’organisation de mariage, c’était au début de ma relation avec Capucine. Au départ, ne sachant pas très bien dans quel milieu je me trouvais et quelles étaient les personnes avec qui j’évoluais, je n’ai rien dit, mais dans l’idée de finir par en parler. A l’heure du déjeuner, lorsque tout le monde parlait de sa vie, moi je jouais sur les mots, je disais que j’étais partie en weekend et on me répondait “ah bon toute seule ?”. Impossible pour moi de faire passer Capucine pour un homme, je ne me serais pas sentie en accord avec moi-même, alors j’ai préféré jouer à la célibataire. Et puis... j’ai compris que l’une de mes deux patronnes était extrêmement homophobe. Je me suis terrée dans le silence, mettant au courant seulement deux de mes collègues, l’une de mon âge qui était devenue mon amie, et l’autre, plus ancienne dans l’entreprise mais que je savais ouverte et dont j’étais proche. Elle m’a confirmé qu’il ne fallait surtout pas que mes patronnes l’apprennent. En plus de pratiques managériales très discutables dans cette entreprise, j’ai donc du vivre chaque jour avec ce fardeau de ne pas pouvoir être qui j’étais. Car oui, être avec Capucine et être lesbienne me définissait, et me définit toujours, c’était une source de joie, d’énergie, et de fierté. J’ai vécu l’enfer, face à des dirigeantes qui voulaient que je fasse toujours + d’heures supps parce que “tu es célibaitaire et tu n’as pas d’enfant toi, tu peux rester tard”, et qui me posaient toujours plus de questions sur ma vie perso.


Si je faisais face à cette situation maintenant, vous pouvez être sures que je ferais tout autrement : j’annoncerais l’entièreté de qui je suis dès l’entretien d’embauche. Ca passerait ou ça casserait mais je serais a minima alignée avec moi-même, ma vie et mes valeurs sans me trahir, et sans trahir celle que j’aime.


Dévalorisation

Plusieurs d’entre vous m’ont confié être embêtées par l’utilisation de ce terme qui, selon vous, dévalorise la relation à leur conjointe, car effectivement, une partenaire de vie n’est pas une amie, ou en tout cas, n’est pas que ça. Parfois, l’une des membres du couple ne peut s’empêcher d’utiliser cette appelation, ce qui plonge la deuxième partenaire dans un profond désarroi, celui de ne pas se sentir exister et valorisée. Rappelons nous qu’il est normal dans un couple de ne pas en être au même stade de son cheminement par rapport à sa vie, à son orientation, à sa sexualité... Le tout étant de pouvoir en parler librement tout en essayant de ne pas utiliser de termes pouvant heurter celle que l’on aime.


L’entourage

Le terme “amie” est aussi régulièrement utilisé par vos familles et entourages : souvent une manière selon vous (et je suis bien d'accord) de nier la relation ou de la rendre moins importante. Vous êtes nombreuses à me dire que vous reprennez vos parents pour les faire dire femme ou conjointe par exemple.

Sur ce point là, je pense que si c’est important pour vous, il est nécessaire de transmettre les bons éléments de langage à votre famille et de dire quels termes vous conviennent en toute clarté, ainsi la couleur est annoncée et le doute dissipé pour elles et eux. C’est aussi une façon d’affirmer vos choix, votre vie et qui vous êtes auprès de vos proches.


Je ne jette la pierre à personne, j’ai aussi été comme ça pendant un temps, à ne pas dire que ma femme était ma femme de manière très claire. Jusqu’à ce que faire ça finisse par me procurer une sensation étrange... Comment souhaiter que nos couples, que nos familles aient une place et soient visibles dans la société si je la cache ? Comment en vouloir à la société si c’est moi qui la crée cette invisibilisation ?

Je ne veux pas que ma fille grandisse en pensant que la situation de ses mères est si anormale qu’elle doit être cachée, dissimulée ou minimisée.


Ce qu’il faut comprendre également, c’est que pour faire entrer quelque chose comme

appartenant à "la norme" dans la société, il est nécessaire de passer par cette phase de visibilisation, de revendications, d’affirmation de soi et de sa famille. Ce n’est qu’une fois que l’on sera bien visibles et représentées dans la société, que probablement il n’y aura plus besoin (ou moins besoin) de lutter. En attendant la route est encore un peu longue...


Lesbienne, to be or not to be ?

Ma réflexion personnelle m’a aussi mené à l’utilisation du terme “lesbienne”. Pendant des années, impossible pour moi lors d’une conversation même avec des gens me connaissant bien d’utiliser le mot lesbienne pour me définir.


Un exemple ? Chez la gynéco lorsqu’on me parle de contraception : “je n’ai pas de mari, j’ai une femme” au lieu de : “je suis lesbienne donc pas besoin de contraception merci”.


Quand je vous demande comment vous vous sentez avec le terme -lesbienne, voici ce qu’il en ressort :

Pour 42% d’entre vous : ce mot est facile à dire

Pour 58% d’entre vous : c’est compliqué, vous préférez utiliser d’autres termes

(homo, gay, en couple avec une femme...)


Le mot lesbienne vous pose problème dans la majorité des cas. Pourquoi ? Vous trouvez que ce mot est “vilain”, connoté sexuellement et surtout assimilé au porno.

Effectivement, je pense que le malaise vient de là, et clairement... c’est pas ok. Ce terme existe pour définir une orientation sexuelle, mais pour moi ça va plus loin, c’est aussi un style de vie, une identité parmi mes autres identités : je suis mère, je suis femme, je suis lesbienne, je suis entrepreneure. Et depuis quelques mois, il m’est impossible de continuer de cacher l’une de mes identités.


JE SUIS LESBIENNE. CE N’EST PAS UN GROS MOT. CE N’EST PAS UNE INSULTE.
C’EST UN MOT. JUSTE UN MOT.

Les mots ont du poids, de la valeur, je pense qu’il est important de nous saisir de nouveau de ce mot, de le vulgariser, le démocratiser, lui redonner une place normale dans la société. Si ce n’est pas nous, les lesbiennes qui le faisont, personne ne le fera à notre place. Et donner de la place à un mot, c’est donner de la place à cette identité.


Ca n’a pas toujours été le cas mais aujourd’hui je suis extrêmement fière de qui je suis, de ma femme, de ma fille, de notre famille. Je ne veux plus avoir à me cacher, ni par peur du jugement des autres, ni par peur de mon propre jugement. Je ne peux aussi que constater à quel point lorsque l’on est alignée avec soi-même, tout autour de nous s’aligne également.


Pour conclure

Ce qui ressort globalement de tout cela, c’est que nous sommes encore très nombreuses à nous définir comme lesbiennes mais à ne pas l’assumer dans la société. Le regard le plus difficile est souvent celui qu’on se porte soi-même finalement. Même si c’est compliqué pour vous, commencer à prendre conscience des mots que vous utilisez est un premier grand pas, à vous ensuite de trouver votre propre voie. Je pense que c’est un chouette travail à faire, et d’autant plus lorsque, comme nombreuses d’entre vous, l’on souhaite accueillir un enfant au sein de sa famille.


Toute cette réflexion m’a amené à utiliser les termes lesbienne, couples lesbiens et familles lesboparentales dans les livres que je suis en train d’écrire, et j’espère ainsi contribuer au renouveau de ce mot, et vous permettre de vous sentir plus à l’aise avec ces termes.

Je serais ravie d’entendre encore vos témoignages à ce sujet alors n’hésitez pas à m’écrire !


A très vite !



Ressources sur ce thème :

Livre - Le génie lesbien, Alice Coffin

Livre - Se dire lesbienne, Natacha Chetcuti

Podcast - J'aime les filles, Spotify



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