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La réalité de la PMA pour Toutes en France

Dernière mise à jour : 24 mai 2023


*je parlerais ici de l’AMP qui est l’acronyme utilisé depuis un an en France pour parler de la PMA.


Un an après l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et femmes en solo en France, vient l’heure du constat. Derrière cette apparente bonne nouvelle se cachent bien des failles que l’on me rapporte quotidiennement depuis un an, et visiblement cela ne tend pas vers une amélioration. Je vous donnes les chiffres officiels pour vous donner une idée d’où nous en sommes et vous explique ensuite quelles sont les failles qui existent, sans détour, pour que vous puissiez être informées et « armées » lors de vos rdv, et faire des choix en connaissance de cause.


Toutes ces problématiques m'ont été rapportées par des dizaines et dizaines de personnes, en couple lesbiens ou en parcours solo, à travers toute la France.


Note : évidemment, certains parcours se passent bien, sont plus courts que prévu et ont déjà occassionné quelques grossesses. Les professionnel.le.s de santé ne sont pas tous et toutes à pointer du doigt et beaucoup font du mieux qu’ils.elles peuvent avec les petits moyens à leur disposition. Pour autant, une partie très significative des parcours ne se passe pas aussi bien, il est donc nécessaire d’en parler, de se révolter et de faire bouger les choses.


Les chiffres officiels

Depuis la mise en oeuvre de la nouvelle loi de bioéthique à l’été 2021, un comité de suivi a été mis en place et se réunit régulièrement pour faire le point sur la mise en oeuvre de la loi, ce qui est une très bonne chose.


La dernière réunion s’est tenue le 16 Mai 2022, c’était la troisième de ce type.


Voici les chiffres qui en ont été tirés entre le 1er Janvier et le 31 Mars 2022 :

  • 185 donneurs de spermatozoïdes ont été enregistrés sur l’ensemble du territoire (c’est une tendance en hausse même si encore trop faible)

  • 5 126 demandes de première consultation ont été enregistrées en vue d’une AMP avec don de spermatozoïdes au bénéfice de couples de femmes ou de femmes non mariées, dont 47% provenant de couples de femmes et 53% provenant de femmes seules.

  • 2 562 consultations ont été réalisées au bénéfice de couples de femmes ou de femmes non mariées, soit une moyenne de 854 par mois en 2022, contre 653 par mois entre le 16 octobre et le 31 décembre 2021. Le nombre de prises en charge s’accélère donc.

  • 53 tentatives d’AMP avec don de spermatozoïdes ont été réalisées au bénéfice de ces nouveaux publics.

  • Le délai de prise en charge pour une AMP avec don de spermatozoïdes varie fortement d’un centre à l’autre avec, notamment, un centre déclarant une valeur très nettement différente des autres. Compte non tenu de ce centre, le délai moyen de prise en charge était de 13,6 mois au 31 mars 2022, soit une augmentation de 1,6 mois par rapport à fin 2021. Compte tenu de la totalité des centres, le délai moyen d’attente était de 14,8 mois à la même date.

Source des chiffres : Rapport de l’Agence de la Biomédecine


Ce dont on peut s’apercevoir c’est que tout est en augmentation : le nombre de donneurs, le nombre de demandes, le nombre de consultations réalisées, ce qui est très bien, mais le délai s’est forcément lui aussi allongé.


Le nombre de tentatives réalisées en l’espace de trois mois est tout de même très faible : 53 seulement.


Ce don ne parle pas ce rapport, c’est du manque d’harmonisation des pratiques d’un centre à l’autre et de tous les dysfonctionnements auxquels font face les couples lesbiens et femmes en solo (et parfois aussi les couples hétérosexuels), dont je vous parle ci-après.


Les délais

Sans surprise, les délais sont l’un des gros points noirs de la PMA en France. Dans certaines régions, le premier rendez-vous ne peut pas être donné avant 2024 ! Dans d’autres, c’est le rendez-vous psychologique obligatoire qui fait défaut avec des délais d’attente parfois de 9 à 12 mois (rien que pour ce rdv là !). Evidemment, il existe clairement un manque de donneurs, ce qui ne permet pas de satisfaire la demande aussi rapidement que souhaité pour l’instant, mais ce n’est pas le seul facteur : la France fait face à un manque de moyens dans le secteur de l’AMP et d’ailleurs ce sont les sécrétaires médicales qui le disent elles-mêmes lorsque les couples s’étonnent des délais au téléphone : “on fait ce qu’on peut, l’affluence a augmenté, mais nos moyens et capacités non”. Comment les blâmer ?


Le chantage au donneur

Dans certains centres, une pratique, pourtant interdite par la loi, perdure : le chantage au donneur. On dit aux couples ou aux femmes que si elles amènent un donneur qui donnera pour quelqu’un d’autre ou si elles donnent leurs ovocytes, elles remonteront sur les listes d’attente. Ceci n'est pas tolérable.


Pourquoi ? Parce qu’on ne devrait forcer la main de personne pour donner ses gamètes : ni d’amis, ni de notre famille, et surtout pas nous-même. Le don doit venir de soi, dans une démarche d’altruisme et les hommes et femmes qui donnent doivent se sentir en adéquation totale avec le principe. Je pense qu’étant bénéficiaires de dons, il est important que l’on sensibilise nos entourages à cela, que l’on informe, que l’on dise que ça existe et que c’est important, mais ça s’arrête là.


Nous n’avons pas toutes non plus la possibilité de donner nos ovocytes ou de trouver un donneur, alors dans ces cas là on fait quoi ? On regarde les autres passer avant soi et on attend ? C’est NON.


Ci-dessous, un extrait de l’arrêté du 14 avril 2022 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation, qui est très clair à ce sujet :


Les examens réalisés sur la mère qui ne porte pas ou au contraire un refus d’examens

Trois cas de figure ici :

  • Des couples de femmes qui aimeraient décider de qui va porter la grossesse en procédant toutes les deux à des examens médicaux pour déterminer qui a le plus de chances d’y parvenir : on leur refuse dans de nombreux centres la possibilité de réaliser les examens toutes les deux. La cause ? Cela serait trop cher pour la sécurité sociale.


  • Des couples de femmes qui savent quelle partenaire portera la grossesse, mais des centres qui OBLIGENT la femme qui ne veut pas porter à passer les mêmes tests de fertilité, pour décider eux-mêmes de qui portera ou non —> C’est INADMISSIBLE ! Dans nos couples, nous n’avons pas toutes le désir de porter une grossesse, c’est un choix qui se fait à deux, qui est souvent mûrement réflechi et qui repose sur de solides convictions, besoins, envies et ressentis. Ce n’est pas à un médecin de déterminer cela. Et dans ce cas là, la sécurité sociale n'est bizarrement pas évoquée...


  • Quelques centres obligent la mère qui ne porte pas à passer des examens, pas toujours utiles. Une prise de sang & un frottis pour vérifier les maladies sexuellement transmissibles (c'est tolérable) mais aussi pour établir une carte de groupe sanguin (ça c’est ce qu’on fait pour les couples hétérosexuels, pour attribuer un donneur du même groupe sanguin que celui du partenaire masculin, afin de laisser la possibilité de ne pas dire à l'enfant qu’il est issu d’un don - chose qui n’arrive pas dans nos familles). Et parfois....une mammographie ! Pour une femme qui porte ça peut se comprendre à partir d’un certain âge et avec certains traitements hormonaux - mais pour sa femme, on peut nous expliquer ? (et ici encore, pas de problème par rapport à la sécurité sociale).


Le régime des donneurs et l’appariement

L’appariement, c’est le fait de faire matcher un donneur avec une femme ou un couple, de trouver donc le bon donneur pour les bonnes personnes afin que la ressemblance physique soit la plus proche.


Problématique : on ne s’occupe pas des couples racisés ou mixtes en besoin d’un donneur noir ou asiatique. Comme il n’y a quasiment pas de donneurs répondant à ces critères en France, on propose aux couples une AMP sans appariemment, donc avec des donneurs ne répondant pas à leurs caractéristiques physiques. C’est franchement problématique, et il est temps de développer plus massivement les campagnes de dons pour que les donneurs soient représentatifs de toute la population française.


Autre gros point noir au niveau des donneurs : dès Septembre, la période de transition entre donneur anonymes et donneurs non-anonymes commence, nous ne savons pas encore combien de temps elle durera mais probablement plusieurs années. Pour le moment, l’Etat prévoit que lors de cette période, les couples de femmes et femmes en solo recevront des dons mais ne pourront pas savoir au moment de leur AMP quel est le régime du donneur qu’on est en train de leur attribuer. Le régime des donneurs est IMPORTANT pour nos familles, c’est un choix éclairé et conscient que nous faisons quand nous optons pour un donneur ANONYME OU NON ANONYME, nous devons être informées de ce qu’on nous insémine (!!) et devons avoir la possibilité d’accepter ou de refuser un don d’un régime ou d’un autre. C'est une décision qui a un impact à long terme et notamment sur la vie de l'enfant à naître, rappelons-le.


Les rdv psychologiques non adaptés

Parlons de ces fameux rdv psychologiques obligatoires. Certains se passent très bien, avec des professionnel.le.s ouvrant le dialogue au sujet du parcours, de sa difficulté parfois, du don de sperme… Quand ça se passe ainsi, c’est tolérable même si personnellement je pense que ça ne devrait pas être obligatoire mais sur demande du couple ou de la femme si besoin. Mais dans d’autres cas, les couples et les femmes en solo tombent sur des professionnel.le.s très clairement ignorants des enjeux de l’homo et de la mono parentalité, et mettent les femmes face à des questions ou des situations inadmissibles.


"Vous ne trouvez pas que vous êtes jeune pour vous lancer dans un parcours de PMA ?"

" Et comment va vous appeler votre enfant ? Maman toutes les deux ? Ah non ce n'est pas possible ça."


Dans le cas de femmes en solo, on impose parfois lors des rdv psychologiques de venir avec une personne de confiance, et si c’est un homme, c’est mieux (?!) : est-ce une blague ? Il existe également des centres où les femmes en solo doivent remplir des pages et des pages de questionnaires extrêmement déplacés et discriminants, du genre "avez-vous déjà été en couple ? Combien de temps ont duré vos dernières relations ? Avez-vous déjà vécu avec quelqu'un ?" etc.


Pire encore, des psychologues disent aux patientes être ouvertement contre la PMA pour toutes, et donc ce sont ces personnes là qui doivent valider nos dossiers pour qu’ils passent ensuite en commission...


La grossophobie

Pour certaines femmes, le dossier médical n’est même pas survolé, les examens même pas demandés : il faudra maigrir d’abord. L’AMP en France est clairement grossophobe et impose aux femmes de perdre du poids et d’atteindre un certain IMC avant même de pouvoir penser à un parcours, sans même chercher à comprendre les raisons du surpoids, ou analyser le bilan de fertilité qui peut quand même s’avérer bon. Il est vrai que le surpoids peut induire des problèmes de fertilité, mais pas toujours !


Devoir parfois transporter les paillettes de sperme soi-même entre le CECOS et le centre PMA

Une pratique hallucinante : envoyer les couples ou les femmes chercher elles-même les paillettes de sperme au CECOS pour les apporter au centre d’AMP afin de réaliser leur insémination. Oui, vous avez bien lu. Parfois le trajet entre les deux est même d’une ou deux heures ! Les patientes doivent : louer une cuve de transport en pharmacie, aller récupérer les paillettes au CECOS (parfois donc très loin de là où elles sont), attendre 1h le refroidissement de la cuve, déposer les paillettes au centre AMP, puis aller retourner la cuve à la pharmacie et récupérer le chèque de caution laissé.


Des trajets de plusieurs heures en voiture, ou parfois même dans le métro avec une cuve renfermant pourtant des paillettes si précieuses, transportées par des patientes !!! Et qu’en est-il des personnes n’ayant pas de moyen de locomotion, pas de transports à proximité ?


Stimulation obligatoire

En France, la stimulation hormonale semble être automatique dans la plupart des centres AMP. Ca ne convient pas à tout le monde, surtout lorsque la fertilité est bonne, et encore moins aux femmes ayant des pathologies causant déjà une surproduction d’ovocytes. C’est le cas d’une de mes abonnées, qui a bataillé pour qu’on ne la stimule pas plus que son corps ne se stimule déjà lui-même à cause de sa pathologie. A cela, on lui a répondu que si l’essai induisait des jumeaux, ils pourraient la faire avorter puis recommencer jusqu’à n’obtenir qu’un seul embryon. Oui, là aussi vous avez bien lu. Ceci est de l’acharnement médical, une violence gynécologique et psychologique !! Alors que la solution pourtant simple serait de tester une insémination sans stimulation, de voir comment le corps réagit et d’ajuster ensuite.



A ces problématiques s’ajoutent des changements de discours, de délais, de processus d’une patiente à une autre dans un même centre d’AMP… Par exemple : des couples de femmes qui se lancent en même temps, une première tentative pour l’un des couples et encore des mois d’attente pour l’autre avec pourtant les mêmes besoins en termes de donneurs. Il y a aussi des centres qui après une première prise de contact ne répondent plus, et bien d’autres situations qui posent difficulté.


 

Les pratiques problématiques énoncées ci-dessus n’arrivent pas dans tous les cas, à tout le monde et dans tous les centres, rassurez-vous tout de même si vous devez entamer vos démarches en France. Ceci dit, je suis toujours partie du principe que le savoir, c’est le pouvoir. Il est, je pense, important que vous soyez informées pour détecter les pratiques qui ne sont pas normales lors de vos parcours, pour que vous puissiez vous positionner, dire NON et réagir. J’espère que tout cela vous aidera, et qu’ensemble nous pourrons faire bouger les choses, une fois de plus !


Justement, voici une liste (non exhaustive) de 10 points à améliorer d'urgence :


Ce qu’on veut ?


1. Une HARMONISATION des pratiques d’AMP à l’échelle nationale : les mêmes étapes, les mêmes règles, les mêmes possibilités.


2. Plus de MOYENS pour les centres AMP afin d’écourter les délais : + de médecins, + de biologistes, + de psychologues.


3. Des rendez-vous psychologiques ADAPTÉS à nos couples lesbiens ou aux femmes en solo avec des professionnels FORMÉS aux sujets de l’homoparentalité et de la monoparentalité.


4. Une visualisation CLAIRE des délais dès le début du parcours.


5. L’INTERDICTION pour les centres AMP de décider eux-mêmes de qui doit porter l’enfant dans un couple lesbien.


6. Une prise en charge NORMALE ET HUMAINE des personnes en surpoids.


7. Proposer des traitements de stimulation ADAPTÉS à la patiente.


8. NE PLUS EXIGER DE TRANSPORTS des paillettes de sperme par les patientes elles-mêmes.


9. Plus de CHANTAGE en demandant d’amener un donneur ou de donner ses ovocytes pour remonter sur les listes d’attente - inciter à sensibiliser au don autour de soi, c’est OUI / forcer la main à l’entourage ou se faire violence soi-même pour donner c’est NON.


10. Durant la période de transition du régime d’anonymat des donneurs, ANNONCER AUX PERSONNES BÉNÉFICIAIRES DE L’AMP quel est le régime du donneur utilisé dans le protocole.



Ce que vous pouvez faire si vous voulez m’aider à faire bouger les choses :

Rendez-vous sur Instagram où j’ai compilé cet article en un post récapitulatif, à diffuser largement en story pour :

  • Informer les couples et femmes en solo qui passeront par là

  • Essayer d’atteindre les politiques pouvant relayer les problèmes rencontrés

  • Montrer qu’il reste encore du travail à abattre avant que la PMA soit vraiment une réussite pour toutes les femmes en France

  • Préparer le terrain pour la révision d’une future loi de bioéthique ouvrant la PMA à encore plus de personnes, notamment aux personnes trans


Si vous rencontrez une situation vous posant problème lors de votre parcours PMA en France, n’hésitez pas à me contacter ici ou sur Instagram.


Léa



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